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Les cris de Cassandre (blog de J.F. Goux) - Page 16

  • Pas de panique : la BCE ne crée pas de monnaie

    Les dernières décisions de la Banque Centrale Européenne (BCE) en faveur d’un programme de rachat des dettes de certains pays de la zone euro, ajoutées aux chiffres récemment publiés concernant son bilan consolidé (BCE + banques centrales nationales (BCN)) confirmant que le total de celui-ci dépasse désormais durablement les 3000 milliards d’euros ont ravivés les craintes sur la pérennité de l’institution de Francfort et sur sa perte de crédibilité. Suivant en cela le président de la Bundesbank, le spectre de l’inflation alimentée par la planche à billets est à nouveau agité. Ces inquiétudes sont fondées sur une vision simpliste, voire fausse, de l’action de cette banque centrale. Beaucoup de commentateurs raisonnent en effet soit avec le modèle de la Fed aux Etats Unis, soit avec celui de la Banque de France dans la première moitié du siècle précédent. C’est ainsi que l’on peut lire dans un article récent du périodique Alternatives économiques : « Y a-t-il une limite à la quantité de monnaie que les banques centrales peuvent créer ? » Et l’auteur répond plus loin : « Financée par la création monétaire, l’expansion des bilans des banques centrales reflète l’activisme des politiques monétaires face à la crise ». Tout est dit, tout est faux … dans le cas de la BCE.

    Ni la BCE, ni les BCN ne créent de monnaie. Aujourd’hui, seuls les établissements de crédit (les banques) ont ce pouvoir de création monétaire. Pour qu’il y ait création monétaire, il faut qu’il y ait mise à disposition d’instruments monétaires (billets, monnaie bancaire) au profit d’agents non bancaires (entreprises, ménage, Etat) de la part d’agents bancaires. Aujourd’hui, la BCE et les BCN n’ont de relations directes qu’avec le secteur bancaire, principalement sur le marché monétaire. Lorsque la BCE émet de la monnaie, c’est au profit des banques, et dans une monnaie particulière : la monnaie interbancaire. C’est cette forme de monnaie qui a augmenté au passif du bilan consolidé de la BCE : plus de 1000 milliards entre 2005 et 2012. C’est à peu près la moitié de l’accroissement du total du bilan entre ces deux dates.

    Mais on nous objectera que les banques centrales créent bien les billets, ce que l’on appelle la monnaie fiduciaire. C’est vrai, mais ce n’est pas la BCE qui les met en circulation. Ni la nuit de Hume, ni l’hélicoptère de Friedman, ne sont des images exactes. Les billets sont mis en circulation, à la demande des particuliers et des entreprises, par l’intermédiaire des banques. Ces dernières les « achètent » auprès de la banque centrale dont le rôle, en la matière, est purement passif.

    Il est vrai, cependant, que ce poste a augmenté. Le montant des billets est aujourd’hui de 901 milliards d’euro, détenus à la fois par des résidents et des non résidents de la zone euro. Il était de 568 milliards en 2005 et de 676 milliards en 2007 avant la crise. L’augmentation est loin d’être négligeable, mais ce ne sont pas ces 333 milliards supplémentaires qui ont financé l’accroissement de 2000 milliards du total du bilan entre 2005 et 2012.

    Il y a néanmoins un risque de financement monétaire lorsque la BCE rachète des titres aux banques, le plus souvent des obligations d’Etat, sur le marché secondaire, comme cela est prévu dans le programme qui vient d’être annoncé.  Mais, d’une part, la BCE s’est engagée à stériliser ses interventions (achats compensés par des ventes), et d’autre part, ce risque est indirect et le simple rachat ne suffit pas ; il faut, ensuite, que les banques utilisent les ressources ainsi obtenues pour acheter, sur le marché primaire, d’autres dettes souveraines à des Etats dont le compte (celui du Trésor auprès d’une BCN) est crédité, alors que celui de la banque est débité. Tout se passe alors comme si c’était la banque centrale qui intervenait directement sur le marché primaire de la dette ; la banque n’étant qu’un simple intermédiaire. La monnaie en circulation dans l’économie augmentera lorsque le Trésor utilisera ces nouvelles ressources pour payer les dépenses de l’Etat. La monnaie interbancaire se transformera en monnaie bancaire. C’est effectivement cela qui s’est partiellement passé, puisque sur la période étudiée le poste « titres » du bilan de la BCE a augmenté de 500 milliards, suite aux rachats de dettes souveraines décotées, et que l’on ne retrouve pas l’intégralité de ces sommes au passif du bilan de l’institut d’émission. Le risque est avéré, mais il ne faut pas le surestimer. 

  • Arrêtons de fantasmer sur la BCE

    article supprimé (en attente de publication par Le Monde) 

  • Le choix de l’inflation par la BCE est désastreux pour … les créanciers

    Le Monde a publié dans son édition du 17 août un article larmoyant et hypocrite sur les conséquences des interventions de la BCE susceptibles de relancer l’inflation et de ruiner les jeunes, les pauvres, les salariés, etc. 

    Ce pamphlet témoigne tout d’abord d’une méconnaissance des processus d’intervention de la BCE. Tant que celle-ci crée des liquidités sur le marché monétaire au profit des banques, il n’y a aucune création monétaire. La masse monétaire n’augmente pas et l’explication monétariste de l’inflation ne peut être évoquée. Ce n’est que lorsque la monnaie est émise au profit d’agents non bancaires, ici des Etats, qu’il y a augmentation de la masse monétaire. On n’en est pas là, même si effectivement on constate une hausse de M3 de l’ordre de 3% en rythme annuel. La Fed aux Etats Unis a ce genre de pratique ; en revanche, la BCE ne l’utilise que de manière exceptionnelle. On crie « au loup ! », mais il est encore dans sa tanière.

     L’auteur de l’article qui prétend défendre les pauvres et les déshérités de la zone euro n’a pas d’autre dessein que de protéger les créanciers dont il gère les patrimoines. Le débat sur l’inflation est bien connu et il ne sert à rien de ressortir les vieux arguments monétaristes. L’inflation est effectivement une épargne forcée. La question est de savoir qui est forcé. Et la réponse est tout autant un choix politique qu’un choix économique. Il n’y aucune fatalité en la matière. Si les salaires sont indexés (dans les faits, puisqu’en droit la mesure est interdite), il n’y aura pas de baisse du pouvoir d’achat. Seuls les créanciers verront la valeur des créances qu’ils détiennent s’effondrer. Et bien sûr, notre gestionnaire de fonds prend également la défense des épargnants menacés de ruine, avec des arguments contradictoires : effritement « de la valeur de leurs économies », mais « hausse des prix des actifs » à cause de l’inflation. Il considère donc que les épargnants sont tellement idiots qu’ils ont intégralement placés leurs économies en monnaie. Quant aux retraités, s’ils optent pour un régime par répartition – qui, évidemment, n’a pas la préférence des gestionnaires de fonds -, ils ont également peu à craindre de l’inflation.

    La jeunesse européenne ne s’inquiète pas des risques d’inflation. Elle ne sait pas comment cette montagne de dette accumulée sera remboursée, ni quand la croissance et l’emploi reprendront. L’inflation n’est pas la seule solution, mais elle en fait partie. Le lobby des créanciers devra s’en accommoder.