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Les cris de Cassandre (blog de J.F. Goux) - Page 9

  • De la bipolarisation à la bipartition de la vie politique française

    La réduction de la vie politique actuelle, que ce soit en France ou à l’étranger, à une simple opposition droite - gauche ne permet plus de comprendre correctement ce qui est en train de se passer. La récente victoire à l’élection présidentielle d’Emmanuel Macron et de son mouvement En Marche le confirme, si besoin était. Cela conduit à des commentaires confus et embarrassés sur le mélange des genres et des programmes, et les proximités et les transferts d’électorat apparemment surprenants. Pour y voir clair, il faut lui ajouter une partition supplémentaire, entre les conservateurs et les libéraux.

    Les arguments à l’encontre du vieux schéma bipolaire ne manquent pas. Pour certains, il ne fonctionne plus à cause de l’émergence du centre. Le modèle bipolaire devrait alors être remplacé par un modèle tripolaire. Mais en réalité, c’est le même schéma. Pour d’autre, il est dépassé car daté – le XXème siècle - ou excessivement orienté vers la représentation de pays particuliers – la France et les pays du sud de l’Europe. Il n’est pas vraiment obsolète, mais il est surtout incomplet. Il ne permet pas d’éclairer la totalité de la vie politique ; des évènements, de plus en plus nombreux, lui échappent ; les nouvelles stratégies des partis politiques s’y inscrivent mal.

    Un nouvel axe

    Pour y voir plus clair et mieux comprendre les enjeux, il faut utiliser la méthodologie de l’analyse des données et en particulier de l’une de ses méthodes génériques: l’analyse factorielle. Notre diagnostic est simple: il manque des facteurs explicatifs. Il faut donc ajouter, au minimum, un axe supplémentaire, celui qui fonctionne dans les pays anglo-saxons, mais qui était aussi celui de l’Europe du XVIIème au XIXème siècle, et qui oppose les conservateurs et les libéraux, aux sens à la fois économique, sociétal et politique de ces termes. Notons que l’appellation libérale, pourtant ambigüe, a été préférée à d’autres assez proches (progressiste, démocrate, réformiste, moderniste, voire humaniste). Cette distinction est totalement différente de la dichotomie droite - gauche, même si beaucoup confondent les deux et en gomment alors les spécificités. La vie politique actuelle n’est pas (plus) explicable en termes de bipolarisation, elle l’est désormais en termes de bipartition selon deux axes : l’un qui oppose la droite et la gauche, l’autre qui distingue les conservateurs des libéraux (voir schéma).

    Précisons ces distinctions et osons une taxinomie forcément discutable qui doit plus à André Comte Sponville qu’à Régis Debray.
    L’axe droite-gauche est fondé sur une opposition de valeurs entre d’une part, à droite, l’ordre, l’élitisme, le légalisme, la sécurité, la patrie, la responsabilité, la justice punitive, et d’autre part, à gauche, l’égalité, la défense des faibles, la solidarité, les revendications sociales, l’Etat providence, l’internationalisme, la justice redistributive et réparatrice.

    L’axe libéral-conservateur, qui ne doit pas être réduit à une simple alternative d’ordre économique, renvoie à une toute autre dichotomie entre d’un côté le marché, la concurrence, l’émulation, la liberté d’entreprendre, la réussite individuelle, le progrès, mais aussi la liberté des mœurs et la tolérance, et, de l’autre côté le nationalisme, le corporatisme, le populisme, la religion, la hiérarchie, les avantages acquis, le souverainisme, le communautarisme, la famille, la tradition. On notera que si la religion appartient plutôt au registre conservateur, la laïcité n’est pas forcément l’apanage du libéralisme.

    Les stratégies

    On peut situer les partis politiques dans les quatre cadrans que ces deux axes dessinent (voir le schéma). Les cas les plus simples sont ceux du parti Républicain des Etats-Unis et du parti Conservateur britannique qui représentent parfaitement la droite conservatrice et la confusion des deux notions. Les Républicains (ex UMP) s’en différencient, non pas sur l’axe droite-gauche, mais par une vision moins conservatrice de la société, même si, lors des deux dernières campagnes présidentielles les candidats LR (UMP) ont parfois flirté avec les thèmes de la droite conservatrice américaine. Le PS est évidemment à gauche, mais hésite entre conservatisme et libéralisme, entre l’Etat et le marché ; d’où son compromis du socialisme de marché. Le PCF, parti indiscutablement de gauche, doit pourtant être classé comme conservateur, comme en témoigne son discours sur la défense des avantages acquis, le rôle de l’Etat et surtout l’anti-libéralisme qui lui sert actuellement de doctrine. Le cas de l’UDI est particulièrement intéressant. C’est non seulement un parti de centre droit, mais aussi un parti allant des modérés aux libéraux. Il occupe tout le cadran Nord Est du schéma. On comprend à la fois les immenses espérances de leurs dirigeants, sans doute conscients de l’existence d’un tel espace, mais aussi les risques d’éclatement. A l’étranger, les Démocrates américains sont, selon nos normes, des centristes, mais selon les leurs, des libéraux, au sens anglo-saxon du terme, comme nous l’avons déjà explicité.

    Mais le principal intérêt de cette bipartition est d’éclairer les stratégies (représentées par des flèches sur le schéma). Une des clefs de la réussite, puis de l’échec, à l’élection présidentielle de Nicolas Sarkozy est d’avoir balayé la totalité de l’espace à droite, des conservateurs aux libéraux et d’avoir ainsi réalisé une nouvelle synthèse qui lui survit. Mais la poussée du FN qui lui conteste désormais une partie de cet espace, de même que les ambitions centristes du mouvement d’Emmanuel Macron, réduisent beaucoup les solutions. Les stratégies possibles pour la gauche s’y inscrivent aussi parfaitement. Par exemple, le PS peut en rester à une alternative gauche-droite dont on voit immédiatement les limites, ou envisager une sortie plus oblique vers la social-démocratie, qui offre sans doute plus d’espace ; mais c’est sans doute trop tard. Une autre stratégie consiste à explorer la totalité de l’axe conservateur-libéral, en restant « à gauche ». Le conservatisme de gauche, celui, ancien, de Chevènement ou de Debray ou, celui, actualisé, de la France Insoumise de Mélenchon, y trouve aussi sa place. Le programme néo- conservateur de la droite trouverait alors son équivalent à gauche ; chacun se disputant l’électorat populiste.

    On comprend également, grâce à ce schéma, comment les électeurs influencés par le populisme de gauche ont pu, très facilement et sans avoir l’impression de se renier, voter en faveur du populisme de droite : ils ont cru y retrouver, non pas certaines de leurs valeurs, mais au moins certains arguments, d’autant plus que l’opposition droite – gauche leur devenait de plus en plus floue. Là encore des stratégies troubles se dessinent : il faut redonner à cet axe traditionnel toute sa signification et sa portée si l’on veut éviter des alliances dont le passé, pas aussi lointain que cela, a montré la nocivité. La diminution du poids du PCF qui ancrait à gauche cet électorat populiste a créé un vide politique potentiellement dangereux pour la démocratie.

    A terme, la vie politique française pourrait basculer et changer d’axe dominant. C’est évidemment la pari que fait le nouveau président de la République, Emmanuel Macron, et c’est ce que les partis traditionnels vont contester car ils ont tout à perdre. Mon opinion personnelle est que le basculement se fera, mais plus lentement que ne l’imagine le mouvement En Marche ; nous allons vivre pendant plusieurs années encore dans cette bipartition. C’est toute la difficulté du quinquennat qui s’annonce.

    Jean François GOUX

  • S'ABSTENIR, C'EST VOTER LE PEN

    Certains pensent que pour éliminer Le Pen (MLP), il suffit de s'abstenir ; un simple exemple arithmétique montre le contraire.

    Partons des derniers sondages : 59 % pour Macron et 41 % pour Le Pen. Parmi les électeurs qui pourraient voter Macron, car hostiles à Le Pen, l'équivalent de 1 % décide de s'abstenir. Ils pensent, à tort, que le résultat sera sans changement pour MLP : Macron 58 % (59 - 1) et Le Pen 41 %. C'est FAUX.

    Le total ne faisant plus 100 %, mais 99 %, il faut recalculer et ramener à 100 %. Les vrais résultats sont alors : Macron 58,6 % et Le Pen 41,4 %. Le score de MLP a augmenté sans qu'aucune personne supplémentaire vote pour elle.

    L'abstention différenciée n'est pas neutre ; on n'élimine pas Le Pen en s'abstenant ; au contraire, on vote partiellement pour elle. CQFD. 

  • Vote des indécis : ce que la finance peut nous apprendre sur les sondages

    Le cercle du journal Les Echos vient de mettre en ligne un article où je démontre que la prise en compte correcte du vote des indécis peut considérablement modifier les résultats des deux tours de l'élection présidentielle : Fillon peut très bien être au deuxième tour et une victoire de Marine Le Pen n'est pas à exclure.

    voir l'article : ICI